mardi 24 mars 2015

Portrait #2 - Laura

J'ai rencontré Laura dans le wagon-bar du TGV qui m'emmenait à Paris, fin janvier.
Le wagon était bondé, je faisais la queue en réfléchissant distraitement à ce que j'allais manger, et en lisant un roman sur ma tablette. Laura était derrière moi, nous nous adressions de temps en temps des sourires polis, sans plus.
Au moment de passer commande, je sors ma carte bleue, et la vendeuse, déconfite, me dit : "j'espère que vous avez un autre moyen de paiement, le terminal CB vient de nous lâcher". Alors que je commence à réaliser que je ne mangerai pas avant deux bonnes heures, parce que non, je n'ai pas d'autre moyen de paiement, Laura, que donc je ne connaissais pas encore, a dit : "je peux payer pour vous si vous voulez ?"
Stupéfaction générale. Moi, ravie (j'avais faim) et gênée, qui bredouille un "non, enfin oui, mais non...", elle qui agite son billet en disant "c'est bon, je vous invite", les gens dans la file qui sourient et disent "ah là là ! ça aurait dû tomber sur moi !" et la vendeuse, soulagée, qui remercie Laura.
Nous nous sommes donc installées à côté, à mon initiative, et j'ai insisté pour prendre son adresse et lui envoyer un chèque.
Commence alors une discussion d'une demi-heure à bâtons rompus.
Laura tient un magasin dans un petit village du bord de mer, à côté de Montpellier. Elle travaille surtout l'été, et allait à Paris pour voir un salon professionnel. Elle râle quand je lui dis qu'ils annoncent de la neige à Paris, elle n'a rien prévu de chaud. Elle a l'âge de ma mère, ça me fait un pincement au cœur quand je le réalise. Elles ont le même âge, mais ma mère est au fond d'un lit d'hôpital.
Cette dame a une devise que j'adore : "il faut toujours faire confiance aux gens, ça finit toujours par payer". Elle me confie que régulièrement elle laisse les gens partir de sa boutique sans payer, en leur disant qu'ils n'ont qu'à revenir régler plus tard. Ce qu'ils font à chaque fois.
Nous parlons de beaucoup de choses pendant ces trente minutes, je ne sais pas comment j'arrive à lui parler de ma maladie (et je me rends compte qu'en fait, j'ai besoin d'en parler), elle aime ma vision des choses, nous parlons beaucoup de voyages, ceux qu'elle a fait, ceux que j'ai fait, ceux qu'il nous reste à vivre. Elle me conseille un livre, écrit par un Finlandais, dont j'ai évidemment oublié le titre.
Et puis à un moment donné, les sandwiches sont terminés, les Badoit aussi, nous sentons que c'est l'heure de se séparer. Nous nous serrons la main, nous nous faisons une bise, "enchantée de vous avoir rencontrée".
Je lui envoie un chèque la semaine d'après, et j'ai reçu par la suite une carte postale d'elle, pour me remercier, et me dire que c'était aussi pour elle une belle rencontre. Elle est toujours sur mon bureau.

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